Les troupes de l'Atlantique
Les années 1740
Conflit et ensuite mutinerie à Louisbourg
Certains problèmes internes bouillonnent à Louisbourg et nuisent à l'efficacité des troupes. Ainsi, alors que les relations entre simples soldats, suisses et français, sont convenables, il n'en va pas de même entre leurs officiers respectifs qui ne s'entendent pas au sujet de l'interprétation des droits et des privilèges des troupes suisses à Louisbourg. Et surtout il existe, malheureusement, à l'intérieur de la garnison française, un système d'exploitation des soldats pire que dans les autres colonies qui permet aux officiers de contrôler l'argent gagné par les hommes tant durant leur service que pour leur participation aux travaux de fortification. Le genre de commission qu'ils retiennent n'est pas inconnu ni même illégal dans les armées du XVIIIe siècle, mais il y a des abus évidents à l'île Royale. Et ce qui se produit habituellement dans ces conditions-là arriva à Louisbourg : toute la garnison se mutina en 1744.
À l'aube du 27 décembre, cette année-là, il se passe des choses inhabituelles à l'intérieur des murs de la forteresse où les tambours du régiment suisse se mettent soudain à battre le rassemblement. Les soldats s'assemblent dans le bastion du roi, l'enseigne Rasser accourt, demande des explications aux soldats, écoute leurs plaintes et se précipite chez le capitaine Schônherr qui lui ordonne de voir immédiatement le major de la garnison. Mais d'autres tambours se mettent à battre à leur tour ! Ce sont les soldats des Compagnies franches de la Marine qui se joignent aux Suisses... La mutinerie englobe presque toute la garnison de Louisbourg. Seuls resteront fidèles à leur serment les sergents des Compagnies franches et la Compagnie des canonniers-bombardiers.
Les doléances des mutins sont raisonnables. Les Suisses revendiquent une amélioration de leurs conditions de vie, tandis que les Français, qui font les mêmes représentations, se plaignent, en plus, des abus de certains officiers et fonctionnaires. Les soldats réclament davantage de bois de chauffage, de meilleures rations, l'habillement dû aux recrues ainsi que les parts du butin auxquelles ont droit les soldats qui ont participé à la capture de Canso en mai. Le commissaire ordonnateur, François Bigot, accède à leurs demandes, tandis que le gouverneur et les officiers parviennent à calmer les esprits. L'ordre est rétabli, sinon la discipline, et la rébellion ne cause pas d'effusion de sang, même si certains officiers ont été forcés d'écouter les doléances de leurs hommes sous la menace des baïonnettes ! Bien qu'elle ait été menée sans violence, cette mutinerie est la plus importante de toutes celles qui se sont produites au sein des troupes coloniales durant l'Ancien Régime. Comme les Suisses ont non seulement participé à la sédition, mais en ont été les instigateurs, le détachement de Karrer ne sera plus affecté à Louisbourg après 1745.
- Date de modification :