Les soldats du XVIe siècle

De la piétaille au soldat

Aux XIVe et XVe siècles, de profondes transformations touchèrent également l'armement et la tactique. Elles entraînèrent l'avènement d'un nouveau type d'homme de guerre : le soldat professionnel. Au Moyen Age, le prototype du guerrier, sur les champs de bataille européens, c'est le chevalier. Il se déplace à cheval, comme son nom l'indique; revêtu d'abord d'une cotte de mailles et d'un heaume, il sera, par la suite, enfermé de pied en cap dans une armure d'acier. Les gens à pied, la « piétaille », comme on dit dédaigneusement, ce sont habituellement les archers et les piquiers. Ils sont mal équipés - on leur interdit les armes de gentilshommes, comme l'épée, qui pourraient leur sauver la vie dans les mêlées - et très peu protégés, bien que sévèrement exposés tout au long du combat.

La situation changea après que des armées de chevaliers, ayant pour opposants de simples gens de pied, eurent essuyé de cuisantes défaites. Cela se passa au XIVe siècle, quand une série de batailles mit la chevalerie aux prises avec des bandes de rudes montagnards suisses armés d'arcs, d'arbalètes, de longues piques et d'hallebardes, ces piques terminées par une tête de hache comme en porte encore de nos jours la garde suisse du pape. Rassemblés en formation serrée, piquiers et hallebardiers formaient une sorte de monstrueux hérisson que les chevaliers et leurs montures étaient impuissants à pénétrer. La noblesse subit alors des pertes terribles et les Suisses acquirent, grâce à cette technique qui bouleversait les règles du jeu, une notoriété militaire qu'ils conservèrent durant des siècles.

Le XIVe siècle vit aussi l'arrivée des armes à feu sur les champs de bataille, sous la forme des lourdes bombardes, ancêtres des canons, qui se signalaient surtout durant les sièges. Il fallut attendre encore une centaine d'années avant qu'apparaissent les premières armes à feu portatives : les arquebuses. Elles étaient capables de percer les armures.

Au Moyen Age, chevaliers et seigneurs comptaient dans leur suite, sur une base régulière, des « sergents » et des « archers », dont la tâche consistait à encadrer les autres sujets à qui obligation était faite de servir sous les armes pendant 40 jours par campagne. Avec l'accession de l'infanterie au rang de « reine des batailles », l'importance des gens de pied s'accrût, ainsi que, proportionnellement, leur nombre et la durée de leur service. Rarement payés, ces hommes vivaient souvent de rapines ou d'exactions commises sur les petites gens, aux environs des champs de bataille. La campagne terminée, certains devenaient de véritables dangers publics.

On les qualifiait même de « pilleurs et mangeurs de peuple ». Pour éviter ces abus, les princes en vinrent graduellement à « solder » les hommes qui se vouaient à la pratique de la guerre. D'où, en France, « ce beau nom de soldat » 12 qu'on leur donna. Au XVe siècle, le principe de payer les hommes qui embrassaient le métier des armes s'établit solidement.