La vie quotidienne des soldats et des officiers

Les soldats

Le logement

Intérieur d'une caserne de soldats à St. Andrews-by-the-Sea, Nouveau-Brunswick, 1854

Légende: Intérieur d'une caserne de soldats à St. Andrews-by-the-Sea, Nouveau-Brunswick, 1854

Le casernement de l'armée britannique au Canada n'a rien de bien luxueux. Jusqu'au milieu du XIXe siècle, la règle consiste à entasser le plus de personnes possible dans l'espace disponible. À compter de 1845, cependant, on détermine un espace minimal pour chaque soldat, mais il faut attendre encore une quinzaine d'années avant que cette mesure ne soit appliquée, car il devient nécessaire de construire de nouvelles casernes.

L'intérieur d'une caserne ressemble à un grand dortoir aux murs blanchis et aux planchers en bois. Chaque chambre peut habituellement contenir toute une compagnie de soldats, soit entre 50 et 100 hommes ; les lits sont alignés sur les côtés, tandis que le centre est occupé par les tables et les bancs nécessaires aux repas. Des tablettes sont fixées aux murs au-dessus des lits pour poser le havresac et la coiffure du soldat. L'uniforme et la buffleterie sont suspendus à des crochets de bois. Le fusil est habituellement placé près du lit, parfois dans un râtelier. Au Québec et en Ontario, la chambre est équipée d'un poêle en fonte pour parer aux rigueurs de l'hiver ; dans les provinces maritimes, considérées comme plus tempérées, l'âtre demeure la principale source de chaleur jusqu'aux années 1840, époque où l'on adopte aussi les poêles. Un unique seau sert tantôt d'urinoir, tantôt de récipient pour les ablutions, ce qui provoque de nombreuses infections des yeux. À partir de 1840, les autorités commencent donc à fournir aux soldats des bassins pour se laver.

Jusqu'en 1824, le lit, en bois, est conçu pour deux soldats. Parfois, on aménage aussi des lits doubles superposés. Puis, le lit simple fait son apparition ; il est en fer et se plie, ce qui libère de l'espace. Au Canada, cependant, on met une trentaine d'années à l'adopter, car on continue souvent à utiliser le bois que l'on peut trouver aisément sur place. Chaque lit est pourvu d'une paillasse, d'un oreiller, de deux draps, de deux couvertures et d'un petit tapis tressé, habituellement de couleur verte.

Les femmes et les enfants des soldats mariés vivent à la caserne, dans une promiscuité presque totale. Les règlements ne leur accordent aucun droit ; dès lors, chacun se débrouille comme il le peut. Les couples mariés occupent généralement les coins de la pièce et tendent une couverture ou des draps sur des ficelles en guise de cloison pour s'assurer un peu d'intimité, privilège qui peut leur être retiré à tout moment. Quant aux enfants, ils s'improvisent une place pour dormir, occupant souvent celle d'un soldat montant la garde. Cet état de choses se maintient jusqu'en 1856, année où l'armée consent enfin à fournir des lits et de la literie aux enfants vivant dans les casernes 77.

Les soldats mariés obtiennent parfois la permission de loger en ville, où ils ne peuvent évidemment prétendre à rien d'autre qu'à une sordide masure, mais au moins y jouissent-ils de leur intimité. À partir de 1848, l'armée alloue quelques sous par jour pour payer ces loyers et, à la même époque, elle commence à aménager dans les casernes des chambres de dimensions modestes, pouvant abriter deux ou trois familles. Au Canada, la première caserne disposant d'une petite chambre par famille de soldat est érigée à Halifax en 1868; c'est l'ancêtre des familiers « P.M.Q. » de nos bases militaires, qu'on appelait « Pavilion » à l'origine et non « Private Married Quarters ».