Menaces intérieures et extérieures
La toile de fond de la rébellion du Nord-Ouest
Entre 1871 et 1898, l'événement qui va marquer le plus fortement la jeune force de défense canadienne ne sera, sans contredit, constitué par la seconde rébellion métis qui, au printemps 1885, secoue les Territoires du Nord-Ouest. Cette crise est provoquée par des conditions à peu près semblables à celles qui prévalaient en 1870 dans la région de la rivière Rouge. Les germes du conflit sont semés dès 1872 quand, négligeant les Métis, des émissaires gouvernementaux signent un traité avec les autochtones de la région de Qu'Appelle.
Suivent bientôt des arpenteurs qui se mettent à fractionner les grands espaces libres en terres à coloniser. De 1878 à 1884, les Métis expédient à Ottawa des dizaines de requêtes réclamant la reconnaissance de leurs droits sur des terres qu'ils occupent parfois depuis plus d'une génération. Rien n'y fait. Le premier bureau d'inscription des titres dans ces territoires ouvre à Prince Albert en 1881, alors qu'au Manitoba de nombreux différends et cas de fraude entourent toujours les ententes de 1870.
Cette situation exacerbe les Métis, dont plusieurs ont reflué du Manitoba vers l'ouest devant l'envahissement des terres par des colons qui menaçaient leur mode de vie. Au mois de mai 1884, le Conseil des Métis de Batoche tient une réunion au cours de laquelle son chef, Gabriel Dumont, fait adopter une résolution invitant Louis Riel à venir se porter à la défense de ses frères.
Marié, Riel vit alors au Montana, où il enseigne à la mission Saint-Pierre. Les délégués des Métis de la Saskatchewan débarquent chez lui le 4 juin. Cinq jours plus tard, Riel
démissionne de son poste et, le lendemain, il prend la direction du nord. Le Riel de 1884 est plus exalté qu'autrefois. Il croit désormais que lui incombe la mission de conduire Métis et Indiens et de faire en sorte qu'ils soient unis en un seul peuple.
Entre le moment où il arrive à Batoche et la fin de l'hiver, en 1884-1885, le silence d'Ottawa devant les réclamations des Métis a nourri un climat d'agitation qui atteint son paroxysme au moment où, de retour de Winnipeg, un employé de la Compagnie de la baie d'Hudson, annonce aux Métis que des policiers déterminés à écraser leur fronde et à mettre Riel aux fers sont en route. Le 19 mars, lors du rassemblement traditionnel soulignant la fête de saint joseph, leur saint patron, les Métis se donnent un gouvernement provisoire présidé par Louis Riel et par un adjudant général, Gabriel Dumont. Batoche devient la capitale de ce gouvernement et, bientôt, le poste que les autorités gouvernementales canadiennes voudront abattre.
L'action est au programme de ceux qu'on désigne sous le nom de rebelles et qui tentent principalement d'obtenir l'adhésion des autochtones à une cause qu'ils veulent commune. Le succès de l'opération diplomatique est mitigé puisque très peu d'Amérindiens se joindront effectivement aux Métis. Désireux d'exercer le plein contrôle du terrain géographique, le gouvernement de Riel et de Dumont réclame, de la Police montée du Nord-Ouest, la cession des forts de Carlton et de Battleford. À ce stade, les pions sont tous en place pour que survienne la tragédie.
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