Les soldats du roi
Une garnison « royale »
Légende: Louis de Buade, comte de Frontenac (1622-1698)
Au Canada, on garde sur pied quatre compagnies de 75 hommes chacune, officiers compris. Deux de ces compagnies sont affectées à Montréal et deux à Chambly. De ces dernières, 30 hommes seront détachés à Saint-Jean et 20 autres au fort Sainte-Anne. Ces quatre compagnies montent la garde jusqu'en 1670, alors qu'elles sont renforcées par cinq compagnies de 50 hommes chacune, envoyées de France et commandées par des officiers du régiment de Carignan-Salières. Il semble que ces troupes maintiennent la filiation avec le régiment par un genre de statut de compagnies détachées outre-mer. L'intendant Talon note que le capitaine Laubia « de Carignan-Salières » commande l'une des « compagnies... renvoyées en Canada en 1670 » 47.
Cependant, en 1671, on licencie toutes ces troupes, enjoignant les officiers à ne pas revenir en France et encourageant « fortement tous les soldats à travailler au défrichement et à la culture
des terres» 48.
Le licenciement des compagnies, décision favorable au peuplement, ne laisse cependant sur place qu'une très mince garnison à Québec, deux sergents et 25 soldats; dans chacune des villes de Trois-Rivières et de Montréal, 10 soldats seulement. Avec les 20 gardes du gouverneur général et les 10 soldats du fort Frontenac, que le sieur de La Salle a l'obligation d'entretenir « à ses dépens » 49, à partir de 1675, on obtient un total de 77 hommes. Cette pénurie de soldats de métier laisse les forts sur le Richelieu pratiquement sans défense. Aussi, durant cette période, assiste-t-on à une lente détérioration des relations franco-iroquoises.
Les Iroquois, observant l'affaiblissement de la défense militaire canadienne, songent en effet à reprendre la guerre. Pour se venger des humiliations qu'ils ont subies, ils cherchent, depuis que la paix est conclue, à neutraliser les nouveaux alliés amérindiens des Français et à s'emparer de leur commerce de fourrures. Dans la colonie, d'autre part, on a de bonnes raisons de craindre que les 2 500 guerriers des Cinq Nations, bien pourvus en fusils britanniques, ne détruisent les tribus de l'Ouest avec qui les rapports sont bons, comme ils l'ont fait des Hurons, ainsi que les postes de traite et les missions jésuites récemment établies à Michillimakinac et dans les Illinois. La situation s'aggrave durant les années 1670 mais, grâce en bonne partie à l'habile diplomatie de Louis de Buade, comte de Frontenac, le danger est contenu. À peine celui-ci est-il remplacé au poste de gouverneur général, en 1682, par Joseph-Antoine Lefebvre de La Barre, que les Illinois, les Miamis et les Outaouais, attaqués, se voient forcés de demander la protection française. Pour défendre ce vaste territoire et venir en aide à ses alliés, de La Barre, dont le projet de conférence générale a essuyé le refus dédaigneux des Iroquois, ne dispose que d'une poignée de
soldats. Mais il peut aussi compter sur environ 1 000 miliciens car, au cours de la décennie qui vient de se terminer, la colonie s'est dotée de cette importante ressource, appelée à jouer un rôle décisif dans la défense du pays : une milice.
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