Un siège interminable

Le combattant canadien

L'instruction de l'infanterie et les conditions de service en Angleterre

Voilà pour l'entraînement, la somme des connaissances acquises et l'équipement de la jeune recrue quand elle part pour l'Angleterre. Là, dans la plaine de Salisbury, sous la gouverne de militaires expérimentés, on va la préparer au véritable choc du combat. Le jeune homme ne tarde pas à découvrir que ce n'est pas seulement sa formation qui est bâclée. Sa tunique se découd, son manteau de coton et de laine ne le protège ni de la pluie ni du froid. Fabriquées en vitesse pour les besoins d'une armée qui grossit à folle allure, ses bottines se défont dans la boue. Pour pallier leur fragilité, il enfile des couvre-chaussures en caoutchouc qui, pendant un certain temps, sont expédiés par les soins du ministère.

On va combler la plupart des carences. L'équipement Oliver des Canadiens, que les Britanniques avaient déjà écarté en Afrique du Sud, est remplacé par le Webb, plus pratique pour le fantassin surchargé. La Grande-Bretagne devient donc un fournisseur de sa colonie canadienne, qui a négligé de faire l'effort requis pour soutenir adéquatement sa volonté de conduire elle-même ses affaires militaires. En plus du Webb, les Britanniques procurent des bottes résistantes et des tuniques moins ajustées.

Dans une division d'infanterie de l'époque, on trouve 6 000 chevaux, dont la plupart servent à tirer des chariots. Une fois en Angleterre, les Canadiens ont la surprise de constater que les attelages fournis pas leurs alliés anglais (prévus pour que les chevaux blessés ou morts en course puissent être facilement détachés) ne s'adaptent pas à leurs wagons-bains. Même ces wagons ne conviennent pas, le bois utilisé au Canada pour les construire étant trop vert. Il se fend, casse et pourrit facilement. Les chariots servant au transport de l'eau ne peuvent être drainés ou nettoyés. Quant aux véhicules à moteurs canadiens, ils sont bientôt hors d'usage, les pièces de rechange n'étant pas disponibles en Angleterre.

Dans tous ces cas, la Grande-Bretagne vient en aide à ses colonies. Elle-même aux prises avec un problème de réarmement, elle est quelquefois confrontée à l'intransigeance parfois pitoyable des politiciens canadiens qui refusent de remplacer le fusil Ross ou la mitrailleuse Colt. La pelle MacAdam devait servir de bouclier contre les balles et, grâce à un orifice percé dans un coin du haut, permettre au soldat d'observer le champ de bataille. Trop lourde (près de 5 livres et demie) et à peu près inutile pour creuser, surtout dans la boue, elle est abandonnée.

Les Canadiens formés dans la plaine de Salisbury se régalent-ils ? Chaque matin, on leur sert du gruau et du thé. À midi, une portion de ragoût, le « stew » dont ils se souviendront longtemps. Au repas du soir, leur menu, pain, confiture et thé, a des allures de petit déjeuner canadien. Les petites fantaisies comestibles sont rares et difficiles à obtenir.

Les règles d'ordre et de discipline auxquelles le militaire canadien en sol britannique est soumis sont celles de la Loi militaire canadienne. Tant qu'ils n'ont pas quitté le sol anglais, ses confrères britanniques sont soumis au code de droit qui s'applique à l'ensemble de la population britannique. Hors du territoire, ceux-ci observent un code militaire identique à celui qui prévaut parmi les troupes canadiennes.

Ce code régit officiers et soldats, mais il ne semble pas être appliqué aussi équitablement qu'il le devrait. Ainsi, entre 1914 et 1918, 25,4 pour cent des officiers jugés par la cour martiale ont été acquittés pendant que 10,2 pour cent des sans-grade ont eu droit à la clémence de ce tribunal militaire. Parmi les nombreux officiers jugés pour lâcheté, désertion face à l'ennemi et autres offenses punissables par la peine de mort, aucun n'a connu le feu du peloton d'exécution.