Armement et expérience du temps de guerre

Les armes

Nom de code : char d'assaut

Char d'assaut de construction britannique, 1918

Légende: Char d'assaut de construction britannique, 1918

Tout au long du XIXe siècle, plusieurs inventeurs travaillent au développement d'une chaîne sans fin à patins, ou chenille, adaptable à des véhicules. Au tournant du siècle, ces efforts aboutissent à la mise au point du tracteur à chenilles Holt, aux États-Unis. De là à imaginer un véhicule à traction à chenilles pour des fins militaires, il ny a plus qu un pas à franchir et plusieurs y songent lorsque la Première Guerre éclate.

À l'insu les uns des autres, Britanniques et Français conçoivent et développent un véhicule tout terrain, blindé et armé, mais ce sont les Britanniques qui, les premiers, l'utilisent sur le champ de bataille, en septembre 1916 Les Français emboîtent le pas en avril 1917, puis les Allemands, en mars 1918.

Le 5 janvier 1915, le premier lord de l’Amirauté, Winston Churchill, écrit au premier ministre Asquith : « Il serait très facile d'équiper rapidement un certain nombre de tracteurs à vapeur avec de petits abris où des hommes et des mitrailleuses trouveraient place, et qui seraient à l'épreuve des balles [...]. Le système des chenilles permettrait de franchir aisément les tranchées, et le poids de l'engin détruirait tout enchevêtrement de fil de fer. »

La tâche n'est ni aussi facile, ni aussi rapide que prévu. Il faut compter un an avant que le prototype fasse l'objet d'une démonstration devant l'état-major de l'armée britannique. Surnommé « Mother », l'engin, protégé par un blindage de 8 mm, pèse 30 tonnes. Il peut enjamber une tranchée de près de trois mètres de largeur et escalader un parapet de 135 centimètres de hauteur. Il est armé de quelques mitrailleuses et de deux canons de six livres pouvant tirer des obus avec précision à une distance de 1 830 m. Son moteur à essence de 105 chevaux-vapeur ne lui permet pas d'excéder huit km/h, dans les meilleures conditions. Sa production en série débute en février 1916 Pour des raisons de sécurité, on décide de lui donner un nom ambigu qui correspond grossièrement à sa forme lorsqu'il est dissimulé sous une bâche et l'on adopte finalement le mot tank (« réservoir »). Dès lors, et jusqu’à la fin du conflit, les Britanniques produisent deux versions du char d'assaut, l'une appelée « mâle », l'autre, « femelle » ; le premier est équipé de canons de six livres alors que le char femelle, de même facture que le mâle, n'est armé que de mitrailleuses.

En tout, 49 chars d'assaut entrent en action pour la première fois le 15 septembre 1916, à Flers-Courcelette. Des huit chars alloués au Corps d'armée canadien, quatre s'enlisent dans la boue, un cinquième est détruit par un obus et un sixième tombe en panne. Les deux autres, baptisés « Cordon rouge » et « Crème de menthe », permettent tout de même aux Canadiens de s'emparer de deux emplacements fortifiés tout en faisant plusieurs prisonniers. Sur les 49 chars présents à la bataille, 32 parviennent à atteindre leur ligne de départ et seulement 10 résistent suffisamment longtemps pour aider l'infanterie de façon efficace. Deux jours plus tard, malgré ce piètre résultat, le feld-maréchal britannique Douglas Haig constate : « Partout où les chars ont avancé, nous avons atteint nos objectifs ; là où ils ne l'ont pas fait, nous ne les avons pas atteints. »

Par la suite, toute attaque importante s'accompagne de chars d'assaut. Lors de l'offensive réussie d’Amiens, lancée à l'aube du 8 août 1918, les troupes canadiennes bénéficient de l'appui de 420 chars, soit 324 mâles et 96 femelles. En fait, le char possède non seulement une force destructrice indéniable, mais il a aussi un impact psychologique important. Après l'engagement d’Amiens, les Britanniques n'hésitent pas, lorsqu’ils estiment n'avoir pas suffisamment de chars à leur disposition, à utiliser des chars factices - de simples tracteurs camouflés sous une toile peinte fixée sur un cadre en bois. Quelques mois plus tard, le 2 octobre, le général Ludendorff avise le Reichstag qu’il est désormais impossible de forcer l'ennemi à conclure la paix, en tout premier lieu à cause de la puissance que lui confèrent ses chars d'assaut.

Les chars qui appuient l'infanterie canadienne durant ce conflit sont de fabrication britannique et conduits par des Britanniques. Il faut attendre jusqu’en 1938 avant que l'armée canadienne acquière ses premiers chars, grâce à la détermination du major général FF Worthington, considéré comme le pionnier de la guerre blindée au Canada.