Armement et expérience du temps de guerre

L'expérience

Le Lieutenant-colonel George Alfred Flint : un héros vite oublié

Lorsque notre gouvernement décide d'envoyer des militaires comme observateurs dans des pays étrangers, la population canadienne comprend rarement la complexité des problèmes qu'ils peuvent y rencontrer. En plus de l'acclimatation à des conditions de vie souvent entièrement différentes des nôtres, les entraves rencontrées dans leur besogne journalière apportent des défis souvent insurmontables. Les événements qui ont mené à la mort prématurée du lieutenant-colonel George A fred Flint, responsable de la Commission mixte d'armistice entre la Jordanie et Israël (CMAJI) et du mont Scopus, de janvier 1956 à mai 1958, à l'intérieur de l'ONUST, sont un exemple manifeste des problèmes encourus par plusieurs de nos militaires.

Né à Outremont, le 27 février 1911, George A fred Flint s'enrôle dans l'armée de réserve, le 19 février 1941, et ensuite dans l'armée active. Membre du Princess Patricia Canadian Light Infantry, à compter d'octobre 1948, il sert en Corée avec le 1er Bataillon. Son expérience lui méritera le poste de directeur du Service du renseignement militaire, en novembre 1952, au rang de major et celui de major de brigade de la 3e Brigade d'infanterie canadienne, à Valcartier, en janvier 1954. Prêté au ministère des Affaires extérieures, en janvier 1956, pour service en Palestine, sous l'ONUST, il prend charge de la CMAJI et du mont Scopus.

Quelques mois seulement après son arrivée à Jérusalem, Flint vit une expérience traumatisante avec un autre Canadien, le major Marcel Brault, journaliste de Saint-Hyacinthe, ancien combattant et officier de milice au Régiment de Saint-Hyacinthe, devenu le 4e Bataillon du Royal 22e Régiment. Lors d'une enquête sur un conflit dans la zone démilitarisée, les deux hommes sont blessés sérieusement par l'explosion d'une mine apparemment oubliée depuis la guerre de 1948. Heureusement, ils s'en sortent et reprennent leur service. Après une convalescence de trois mois, Flint retourne à ses fonctions alors que Brault est transféré à Damas. Les circonstances qui avaient mené à cet incident étaient, selon Flint, typiques de ce qui se passait autour d'eux. D autres observateurs avaient été tués ou gravement blessés par des mines durant la même semaine. En mai 1957, Israël informe le chef d'état-major qu'il ne coopérera plus avec le It-col. Flint, à cause de sa conduite comme président de la CMAJI et représentant de l'ONUST dans les affaires du mont Scopus : on exige qu'il soit rappelé par le Canada, Israël désirant dorénavant s'adresser directement au quartier général de l'ONUST. La lettre provenant d Israël mentionne que la Jordanie avait déjà annoncé quelle aussi n'entretiendrait plus aucun lien avec Flint. Toutefois, si on se fie à une analyse faite en 1963 par le quartier général de l'ONUST sur divers cas de rappel, un sérieux doute existe quant au rejet de Flint par la Jordanie.

La fin de son terme approchant, Flint ne voulait pas renouveler son mandat croyant qu un remplaçant pourrait renverser les sentiments des personnes concernées et créer de meilleurs rapports. Les Nations unies, de leur côté, n'ont pas voulu perdre un homme d'une telle intégrité et, à la suite d'une demande spéciale du secrétaire général, Flint accepte de rester jusqu’en juillet 1959. Il insiste toutefois pour que son épouse et ses deux filles, qui l'avaient suivi au Moyen-Orient depuis le début de son mandat, reviennent au Canada.

Les efforts de Flint et du chef d'état-major, le major général Carl von Horn, pour détendre la situation entre Israéliens et Arabes du mont Scopus, n'avaient jusqu’alors porté aucun fruit. Le 26 mai 1958, trois jours après une visite du chef d'état-major à madame Golda Meir, ministre des Affaires extérieures d Israël, pour essayer en vain de calmer les tensions, des policiers israéliens sont victimes de coups de feu dans les jardins de Salomon. Deux d'entre eux sont tués sur le coup et l'échange qui suit est féroce et prolongé. Flint, portant un drapeau blanc, accourt auprès des victimes espérant intervenir et sauver les survivants qui sont étendus sur le sol. Dans la confusion des coups de feu qui se répètent entre Israéliens et jordaniens, deux autres Israéliens sont atteints. Quelques instants après, le It-col. Flint tombe, frappé d'une balle tirée par un franc-tireur.

L'enquête qui suit n'est qu une farce, d'après le général von Horn. Mais les témoignages de deux observateurs présents au moment où Flint a été tué, ainsi que l'examen médical du corps, concluent que la balle est venue du côté jordanien et qu’elle a été volontairement dirigée vers Flint. Il est évident qu on a voulu attenter à sa vie. Les Nations unies ne laissent cependant pas tomber l'affaire. Les réclamations de réparations par le secrétaire général contre la Jordanie déclenchent un échange de correspondance volumineux qui n'aboutit à rien, la Jordanie refusant toujours de prendre la responsabilité de la mort de Flint et accusant Israël d'avoir provoqué la fusillade et le coup de feu fatal venu d'un tireur d'élite. Dans un document, le secrétaire général revient à la conclusion première.

... Une chose est certaine, le It-col. Flint n'a pas été tué accidentellement ou même au cours d'échanges de coups de feu entre les parties, […] il a été tué délibérément par une seule balle provenant du territoire contrôlé par la Jordanie après une entente mutuelle de cessez-le-feu... (trad.)

Le corps du It-col. Flint repose dans le cimetière militaire de Moascar, à Ismaël, en Egypte 92.